Déclaration du président du Conseil mondial pour les réfugiés et les migrations, l'honorable Lloyd Axworthy, au nom du Conseil
Nous sommes profondément préoccupés par la décision du Canada et de 16 autres pays, ainsi que de l'Union européenne, de suspendre temporairement le financement de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Nous sommes également préoccupés par le manque général d'engagement diplomatique dont le Canada et d'autres puissances moyennes constructives ont fait preuve dans la crise actuelle de la région.
Nous saluons la récente déclaration du gouvernement canadien, ainsi que de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, appelant le gouvernement israélien à mettre fin à son projet d'invasion terrestre à Rafah. Cette déclaration reconnaît les circonstances désastreuses auxquelles sont confrontés les civils à Gaza et la nécessité d'assurer à la fois la protection des civils et une aide humanitaire immédiate.
L'ordonnance provisoire rendue récemment par la Cour internationale de justice (CIJ) dans le cadre de la procédure engagée par l'Afrique du Sud pour génocide par Israël à Gaza souligne qu'Israël a la responsabilité d'assurer la fourniture des services essentiels et de l'aide humanitaire aux civils pris au piège dans la bande de Gaza. Nous sommes donc profondément préoccupés par les informations selon lesquelles les forces israéliennes auraient attaqué des convois d'aide, et par les déclarations de Human Rights Watch et d'autres organisations selon lesquelles le flux d'aide à Gaza a en fait diminué depuis que l'ordonnance provisoire de la CIJ a été rendue.
La décision de nombreux pays de ne pas financer l'UNRWA compromet directement et de manière significative la fourniture de services de base et d'aide humanitaire à Gaza. L'écrasante majorité des civils de Gaza dépendent de l'aide directe de l'UNRWA. L'Office est également une bouée de sauvetage essentielle pour les autres organisations humanitaires qui travaillent à Gaza et qui dépendent de son infrastructure d'aide pour distribuer le soutien. Un groupe d'organisations humanitaires bien établies, dont Oxfam, le Conseil norvégien pour les réfugiés et Save the Children, a fait remarquer dans une lettre publique "[s]i les suspensions de financement ne sont pas annulées, nous pourrions assister à un effondrement complet de la réponse humanitaire déjà restreinte à Gaza".
Gaza est confrontée à une crise d'une ampleur sans précédent. Comme l'a prévenu l'Organisation mondiale de la santé, le risque que les enfants — qui constituent la majorité de la population de Gaza — meurent de malnutrition, du manque d'eau potable et de maladies mortelles est extraordinairement élevé. Les capacités logistiques de l'UNRWA sont indispensables pour faire face à la famine et à la crise des soins de santé. L'importante main-d'œuvre de l'Office est particulièrement vitale pour les soins de santé primaires, l'éducation et les services essentiels à la population palestinienne.
On ne saurait trop insister sur l'extraordinaire gravité de la situation humanitaire désastreuse qui règne à Gaza. Plus de deux millions de personnes ont été déplacées, la majorité d'entre elles s'abritant dans les installations de l'UNRWA ou à proximité, et sont désormais au bord de la famine. Comme l'a déclaré le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, le déficit de financement de l'UNRWA rend la famine "inévitable".
Nous reconnaissons la gravité des allégations formulées par le gouvernement israélien à l'encontre de 12 employés de l'Office (plus de 13 000) à Gaza. L'UNRWA a agi rapidement en mettant fin à l'emploi de neuf des membres du personnel accusés (sur les trois autres, deux sont morts et un est porté disparu) et a déjà mis en place un groupe d'examen indépendant pour évaluer si l'Office fait tout ce qui est en son pouvoir pour garantir la neutralité et répondre aux allégations de violations graves lorsqu'elles sont formulées. Le retrait du financement de l'UNRWA, qui a créé le danger imminent que l'Agence doive suspendre l'ensemble de ses opérations, aura des conséquences catastrophiques sur la situation humanitaire dans la région. Une telle action n'est ni une réponse proportionnée ni une réponse efficace à ces allégations.
Une autre menace grave pèse sur la population de Gaza et doit être prise en compte. Des mois d'attaques à la bombe continues et de déplacements répétés ont sapé l'ordre social à Gaza. En outre, les forces de police de Gaza ont été prises pour cible par Israël et ne sont plus en mesure de maintenir l'ordre. Ainsi, même si l'aide humanitaire arrive, il sera impossible de la transporter et de la distribuer en toute sécurité sans la protection et la supervision d'une autorité impartiale et indépendante.
Dans toutes ces circonstances, nous recommandons que les trois mesures suivantes soient prises d'urgence :
- • Tout d'abord, tous les pays doivent rétablir immédiatement le financement de l'UNRWA.
- • Deuxièmement, nous exhortons le Canada et les autres puissances moyennes à s'engager de manière plus active et constructive dans la région. À titre d'exemple de cet engagement, nous proposons la création d'une petite mission de protection chargée de superviser l'accès à l'aide et sa distribution et d'offrir une protection aux travailleurs humanitaires. La mission de protection pourrait être composée, par exemple, d'officiers de police expérimentés et hautement qualifiés, fournis par des États acceptables pour toutes les parties.
- Troisièmement, nous proposons la création d'un groupe de contact humanitaire et de reconstruction pour Gaza, composé de plusieurs pays. La Jordanie, qui joue un rôle essentiel dans la région, devrait en faire partie. Le Canada devrait également être membre du groupe de contact, qui devrait prendre l'initiative de garantir un accès continu et durable à l'aide et aux secours humanitaires pour Gaza. Le groupe de contact peut également commencer à mettre en place des engagements financiers et logistiques pour la reconstruction de Gaza, compte tenu de l'énormité de la destruction qui a eu lieu.
Ce travail est essentiel pour garantir que les habitants de Gaza puissent retourner chez eux et que le déplacement à long terme des Palestiniens de la bande de Gaza soit catégoriquement rejeté - un engagement que le gouvernement canadien a réitéré.
En prenant ces trois mesures, le Canada et les autres membres du groupe de contact peuvent indiquer qu'ils refusent le déplacement à long terme des habitants de Gaza et des Palestiniens, de manière plus générale, de leurs terres.
Le Conseil mondial pour les réfugiés et la migration propose des idées audacieuses et des actions concrètes pour redéfinir la réponse mondiale aux déplacements forcés par le biais de la coopération internationale et du partage des responsabilités.Présidé par l'ancien ministre canadien des affaires étrangères Lloyd Axworthy, le Conseil compte parmi ses membres des dirigeants des praticiens et des innovateurs issus de pays en développement et de pays développés du monde entier.